Jean-Luc Lefèvre est tétraplégique depuis 30 ans mais il n'est pas photographe.
De ses années passées en centres de rééducation, il constatera que si le sexe est omniprésent dans toute l’iconographie occidentale, il
devient tabou pour ces femmes et ces hommes "handicapés" ainsi que pour tout leur entourage.
Suppliciés, distordus, ces corps s’opposent à la représentation du corps idéalisé, neutralisé d’aujourd’hui, corps dérangeants qu'une société toute entière refuse de voir.
De ce constat, de son obsession, de sa passion pour la musique et pour l’iconographie rock, est né un dispositif pour montrer l’irreprésentable lié au désir et au sexe. Il est question de reposer la
question du corps, de son image, de montrer ce qu'on occulte.
C'est pour cette raison qu' il va devenir acteur à part entière, auteur et sujet de ses réalisations plastiques. Ce corps mis à mal, il va le filmer pendant ses relations sexuelles avec une
partenaire à la plastique irréprochable. Corps entièrement dénudés, la chair contre les os à l’état brut. L’acte n’est pas réfléchi. Rien n’est défini à l’avance. Les prises de vues sont dues au
hasard des situations. De ces films brutaux, il extrait des images qu’il retravaille, créant, facilitant une intimité avec le regardeur en passant de la crudité des actes à l’érotisation de gestes
arrêtés.
Autodidacte, ce travail s'est imposé à lui. Une façon de mettre à plat une expérience extraordinaire afin de la rendre accessible au plus grand nombre et particulièrement aux personnes touchées dans
leur chair.
Et se repose avec ce travail la question de l'irreprésentable lié au désir, préoccupation majeure de l'histoire de la représentation.
Odile Sigaud - 2015
Il y a parfois des sentiments, des émotions, des visions que seuls les peintres savent exprimer. Et puis il y a cette réalité que seule la photo sait saisir.